Il n’est pas rare durant nos randonnées de franchir, ou passer près de l’un des aqueducs Parisiens.
Lors de nos randonnées, nous avons eu à plusieurs reprises évoquer l’usage et la brève histoire de cet aqueduc.
Nous vous proposons ici un peu plus d’informations sur cet aqueduc de l’Est Parisien que nous côtoyons lors de nos randonnées.
Etat des lieux
En 1854, le canal de l’Ourcq, la Seine, les sources d’Arcueil, de Belleville, du Pré Saint Gervais et de Grenelle fournissaient «7 390 pouces d’eau » aux Parisiens (soit 148 000 m3 par jour, soit 148 litres / jour / hab.).
Lié aux besoins sans cesse grandissants, le baron Haussmann dissuada Napoléon III de confier la distribution de l’eau à des compagnies privées, soulignant l’enjeu stratégique de ce service public vital.
L’inspecteur général de ponts et chaussées et directeur des eaux et égouts de Paris, Eugène Belgrand, qui décéda le 8 avril 1878, alors que l’ensemble de son travail et ses études soit terminés sur les alimentations des eaux vers Paris, proposa un ouvrage basé sur son travail qui sera complété par ses équipes sous le nom: Les travaux souterrains de Paris, Les eaux nouvelles. Celui-ci est d’ailleurs consultable auprès des archives de la BNF, dont sont issues certains plans et schéma d’époques.
Le constat vu d’Eugène Belgrand
Paris est la seule ville du monde qui ait adopté, pour sa distribution d’eau, une double canalisation, destinée a séparer le service public du service privé. Lorsque le réseau fut complet, il y avait, dans toute rue de moins de 20 mètres de largeur, une conduite affectée au service privé, c’est-à-dire à la distribution d’eau dans les maisons, et, en outre, les tronçons de conduite nécessaires pour relier, aux artères maîtresses les plus voisines, les orifices d’écoulement des services publics.
Les quartiers bas de Paris, c’est-à-dire les plus riches et les plus populeux de la ville, étaient alors alimentés exclusivement par l’eau du canal de l’Ourcq, et les vices de cette distribution commençaient à se faire vivement sentir. Elle avait surtout l’inconvénient de ne pouvoir atteindre les étages élevés ; malgré le robinet établi dans la cour, le porteur d’eau hantait encore les plus belles maisons.
Eugène Belgrand “Les nouvelles Eaux”
En effet, l’eau de l’Ourcq a pour point de départ le bassin de la Villette. Le sol des rues à desservir est en moyenne un peu au-dessus de la moyenne. Cette différence est absolument insuffisante pour la distribution d’une grande ville dont les maisons ont plus de 17 mètres de hauteur. L’eau de l’Ourcq ne monte régulièrement qu’au premier et au second étage, même dans les rues dont l’altitude ne dépasse pas 35 mètres, comme la rue de Rivoli.
Cette eau est d’ailleurs beaucoup trop chargée de sels de chaux, surtout de sulfate ; elle était souillée, dans le bassin de la Villette, par les déjections des mariniers. Elle ne convient donc pas au service privé ; elle est, au contraire, très suffisante pour le service public.
L’altitude du bassin de la Villette permet de la répartir sur les deux tiers de la surface de l’ancien Paris, et, par son abondance, elle suffit amplement à l’alimentation des fontaines monumentales et au lavage des ruisseaux et des égouts.
Eugène Belgrand, à l’issue de ses études, proposa le projet d’une double distribution d’eau courante: eau de rivière pour les services publics et industriels, et eau de source aux particuliers pour la boisson.
L’usage de puisage du sud de la seine étant jugé impropre à la consommation.
Le Projet
L’aqueduc de la Dhuis ou Dhuys pris naissance entre 1863 et 1865 à la demande de Napoléon III (1808-1873) pour acheminer l’eau de la Dhuis, rivière qui se jette dans le Surmelin, lui-même se jetant ensuite dans la Marne. Son point de départ se trouvant sur la commune de Pargny-la-Dhuys (Picardie, près de Château-Thierry) et il se terminant dans le réservoir de Ménilmontant (XXème).
L’aqueduc, un réel progrès
Rappelons la définition d’un aqueduc: L’aqueduc est une conduite d’adduction d’eau, maçonnée et couverte. Il peut être souterrain ou aérien, porté au-dessus du sol par une suite d’arcades
Ce dernier progrès est immense, puisqu’il permet de franchir non-seulement les vallées, mais des plaines basses entières, sans employer d’arcades. Ainsi l’aqueduc de la Dhuis comprend une longueur de siphons de 17 150 mètres, les tuyaux employés ont 1 mètre de diamètre; plusieurs ont de 50 à 71 mètres de flèche. La longueur des
siphons de l’aqueduc de la Vanne est de 21 500 mètres, et leur flèche s’élève jusqu’à 46 mètres; chaque siphon se compose de deux conduites de 1m 10 de diamètre.
Majoritairement enterré, cet aqueduc est de longueur totale de 131,162 Kms pour une pente de 0,10 m/km; Son débit moyen était de 22 000 m3/jour. Il traverse 4 départements : l’Aisne, la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis et Paris. L’aqueduc commence à 128 m d’altitude et arrive à 108 m dans la capitale, c’est cette légère pente qui permet l’écoulement de l’eau, par simple gravité. Il franchit 21 vallées d’une profondeur comprise entre 20 et 73 m.
Le décret du 4 mars 1862 déclare l’utilité publique de ce projet de construction. Les travaux divisés en deux lots, commencèrent à la fin juin de 1863. L’eau put être introduite dans l’aqueduc le 2 août 1865 !
La distribution régulière commença le 1er octobre suivant.
Un projet couteux, et technique
L’aqueduc de la Dhuis a coûté 18 millions de francs incluant l’achat des chutes des usines de la Dhuys et l’acquisition des sources et des usines du Surmelin. En 1889, la quantité d’eau distribuée annuellement s’élevait en moyenne à 66 millions de m3 pour un prix de 0,113 F/m3.
L’ouvrage souterrain mesure par endroits 2,20 m de haut pour 1,80 m de largeur. Après sa construction au XIXème siècle, des guinguettes se sont installées le long de son trajet, à l’image de celles du bord de Marne, alors que l’eau n’était même pas apparente.
Comme pour la plupart des aqueducs, des regards sont disposés le long de son parcours. Malheureusement très peu sont encore présents près de Paris, par contre, on peut apercevoir des « PH » (Points Hectométriques) à la différence des bornes « PK » (Points Kilométriques). Ces bornes Hectométrique indiquant la distance, en hectomètres donc, depuis Pargny-la-Dhuys, permet d’avoir une précision sur le mettrage entre deux points et depuis la position «0» de l’ouvrage.
Après avoir traversé la Seine-et-Marne, l’aqueduc passe dans l’Aisne (Picardie). C’est dans ce département que se trouve le principal point de captage, à Pargny-la-Dhuys, près du Moulin de l’échelle.
Cette prise de d’eau est entourée d’une clôture pour des raisons de sécurité, l’accès y est donc impossible. Cependant de l’autre côté de la rue des Sources on peut apercevoir les quasi premiers regards.
Depuis la Grand’ Rue à Pargny. Plus en amont, le cours d’eau est en partie souterrain ci-bien qu’il est difficile de déterminer l’endroit exact de la source de la Dhuis (Dhuys) ; elle serait soit à Corrobert soit à Janvilliers (Champagne-Ardenne).
Parmi la liste des communes figure le villes de :
Paris (75), Bagnolet (93), Montreuil, Romainville, Noisy-le-Sec, Rosny-sous-Bois, Villemomble, Le Raincy, Gagny, Montfermeil, Clichy-sous-Bois, Coubron, Courtry (77), Le Pin, Claye-Souilly, Villevaudé, Annet-sur-Marne, Carnetin, Thorigny-sur-Marne, Dampmart, Chessy, Chalifert, Coupvray, Montry, Conde-Sainte-Libiaire, Couilly-Pont-aux-Dames, Quincy-Voisins, Mareuil-lès-Meaux, Nanteuil-lès-Meaux, Boutigny, Saint-Fiacre, Fublaines, Montceaux-lès-Meaux, Trilport, Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, Sammeron, Signy-Signets, Jouarre, Sept-Sorts, La Ferté-sous-Jouarre, Reuil-en-Brie, Saacy-sur-Marne, Citry, Pavant (02), Nogent-l’Artaud, Chézy-sur-Marne, Nogentel, Nesles-la-Montagne, Etampes-sur-Marne, Chierry, Blesmes, Fossoy, Crézancy, Connigis, Saint-Eugène, Condé-en-Brie, Courboin, Montlevon, Pargny-la-Dhuys.
Étymologie
Le mot Dhuys proviendrait du gaulois Dusius c’est-à-dire démon, qui serait une rivière divinisée. Il aurait donné ensuite le mot de la langue d’oïl duit ou dui, nom de source puissante. Ce mot désigne parfois une source à laquelle on lave ou un petit lavoir, que l’on retrouve en oïl dans doiz, doit qui désigne un conduit d’eau, un canal. Enfin, par allitération, le mot aurait donné en vieux français le verbe dhuir qui signifie conduire, mener (Encyclopédie Larousse du XIXè siècle).
Ainsi, le ruisseau de la Dhuys avec son étymologie porte un nom prédestiné puisqu’elle engendra un aqueduc ! Mais l’inspiration de Belgrand était ailleurs.
L’orthographe Dhuys que l’on peut rapprocher à la Dhuy, rivière du Loiret de même étymologie, désigne notre ruisseau ; alors que Dhuis dénomme le présent aqueduc (le « i » remplace le « y », évolution courante de la langue française). Hélas, la tendance actuelle tend à utiliser les deux orthographes indistinctement.
Photos: Pascal Auger, Guy Vandenberghe(Lilas-Randonnée) Sources: BNF Paris